Des fermes-écoles favorisent l’installation des jeunes

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2 novembre 2016

Contexte
En Afrique de l’Ouest, les formations professionnelles sont peu valorisées. Beaucoup de jeunes suivent des études générales et arrivent sans qualification sur un marché de l’emploi déjà fortement congestionné. Les élèves qui auraient besoin d’un suivi rapproché n’arrivent pas à poursuivre une scolarité normale et se retrouvent sans solution d’insertion.
Le secteur primaire attire peu les jeunes, car l’agriculture vivrière traditionnelle permet à peine de survivre. En conséquence, nombre d’entre eux aspirent à quitter leur région d’origine pour rechercher du travail en ville ou à l’étranger. Cet exode rural vide les campagnes.
Pourtant, la production agricole vivrière est à la base de l’économie de ces régions. C’est aussi une activité stratégique pour assurer la sécurité alimentaire des populations. Des techniques d’exploitation plus intensives et plus durables permettraient de mieux mettre en valeur ces terroirs. Mais leur adoption passe par la démonstration de leur efficacité et par la transmission de connaissances, de compétences et de moyens techniques et financiers pour que ceux qui aspirent à travailler dans ce domaine puissent lancer leur activité.
Expériences de terrain
De nombreux centres entendent favoriser la professionnalisation de la formation agropastorale pour améliorer les pratiques des jeunes agriculteurs (et de leurs aînés). Ces formations renforcent leurs capacités techniques et organisationnelles dans une logique de valorisation des ressources locales.
I. Le CEFAPI au Cameroun
A Marza, au Cameroun, le Centre de formation agro-pastorale et informatique Saint-Guido Maria Conforti (CEFAPI) a ouvert ses portes en janvier 2013 avec le soutien de Caritas-Genève/ SeCoDév. Le centre propose une formation intégrée, dont une filière « Agriculture et Élevage ». Ce cours est complété par un module « Gestion et Entreprenariat ». C’est un atout pour garantir la bonne gestion des futurs projets des apprentis. Pendant deux années, les jeunes alternent cours, stages auprès des entrepreneurs locaux et travail dans la ferme-école. Exemple : en première année de la filière Agriculture & Élevage, sur les 1040 heures de cours sur l’année, 200 sont destinées aux stages en dehors du centre et 400 sont réservées à la pratique professionnelle à la ferme et sur le terrain du centre de formation. Plus de 60% des heures sont ainsi dédiées à la pratique.
II. Le CFAR au Burkina Faso
ASED (Action de soutien à l’enfance démunie), membre de la FGC, a soutenu depuis 2012 le développement du CFAR (Centre de formation des aménageurs ruraux) à Guiè au Burkina Faso. Le partenaire local (AZN) a mis au point durant 14 ans le « bocage sahélien », un système de production performant, intensif et durable. Fondé sur les complémentarités entre agriculture, sylviculture et élevage, le bocage sahélien intègre un aménagement de surface (voies, diguettes, tranchées, clôtures), des haies vives, une rotation des cultures, des jachères pâturées et une forme traditionnelle de travail du sol, le Zaï. Le CFAR donne une formation pratique en trois ans à des jeunes qui ont abandonné le collège. Ils sont hébergés en internat, suivent des cours et travaillent à la ferme successivement dans chacune de ses sections (aménagement rural, pépinière, élevage, production agricole, entretien des haies). En troisième année, ils font un stage de six mois dans une entreprise agricole ou dans l’une des six fermes gérées pas l’association Terre verte. Ces aménageurs ruraux deviennent capables de mettre en place, gérer et entretenir des périmètres bocagers.
III. La ferme-école de Kaydara au Sénégal
Cette ferme située à Keur Samba Dia, à l’Ouest du Sénégal, propose des solutions pour fixer les jeunes dans leurs terroirs. Elle se veut un lieu de référence, de formation, d’information, de démonstration des pratiques agroécologiques et de promotion d’initiatives locales pour le développement durable.

Sont proposées des formations :
— courtes et spécifiques pour les paysan(ne)s qui souhaitent acquérir les pratiques culturales agroécologiques ; les modules de formation sont suivis de visites par les formateurs, tous les trois mois, dans les villages respectifs des stagiaires ;
— plus longues (de 9 à 24 mois) pour les jeunes qui se destinent à l’agriculture. Durant leur formation, ces derniers vont constituer les différentes ressources nécessaires à leur installation : le capital foncier, le capital végétal (arbres fruitiers, semences…) et le capital financier constitué par les recettes des ventes de leur production (2/3 pour l’élève, 1/3 pour la ferme-école). Ils conçoivent leur projet personnel en vue de leur installation et le soumettent à la fin de leur période de formation.
Enseignements
Les fermes-écoles sont des « écoles de la deuxième chance » pour des jeunes qui ont abandonné les études par manque de vocation ou à cause de difficultés sociales. Elles contribuent à la fois à leur intégration professionnelle et à la revalorisation des activités agricoles. L’alternance entre un enseignement théorique et des expérimentations pratiques rend ces formations plus accessibles. Pour favoriser l’inscription des filles, il faut travailler avec les parents et leaders communautaires.

L’insertion professionnelle et sociale de jeunes est aussi facilitée par un réseau d’acteurs gravitant autour de la ferme-école (entrepreneurs agricoles, visiteurs, ONG, etc.). Un défi important consiste à prévoir des financements accessibles aux jeunes pour qu’ils puissent lancer leurs activités après la formation.

Les fermes écoles disposent d’infrastructures et d’équipements qui sont souvent au-dessus des moyens financiers et techniques des communautés villageoises. Il s’agit donc de mener une réflexion sur ce qui peut être répliqué sur le terrain et comment. La question de l’autonomie de fonctionnement des fermes-écoles est aussi une préoccupation majeure.

Le suivi des anciens élèves permet d’adapter les formations aux besoins des bénéficiaires et d’en améliorer la qualité, mais il n’est pas toujours aisé de recueillir des informations sur les jeunes après qu’ils ont quitté le centre. Ces liens mériteraient d’être renforcés. Avec le temps, les anciens élèves peuvent aussi contribuer à étoffer le réseau de collaborations des centres de formation (diffusion de la recherche paysanne, placement de stagiaires, fourniture de services, etc.).

Il peut s’avérer difficile de trouver des formateurs compétents ayant de l’intérêt pour l’agriculture familiale paysanne et l’agroécologie, surtout en zone rurale. Les agronomes issus des écoles publiques ont souvent une approche productiviste de l’agriculture, basée sur le recours aux intrants chimiques, à la monoculture et à la mécanisation, et orientée vers les filières (de rente notamment). Pour que l’agriculture vivrière et écologique devienne un domaine de recherche et de formation paysannes reconnu, il est nécessaire de créer et de renforcer des espaces de partage de savoirs (foires aux semences paysannes, voyages d’échanges, champs-écoles), où les techniques et la vision agroécologiques sont mieux représentées.

L’agriculture vivrière n’est en général pas un secteur d’intérêt pour les jeunes. Beaucoup rêvent de postes de fonctionnaires en ville, et ceux qui étudient dans les fermes-écoles sont souvent là car ils ont échoué ailleurs. Il faut une orientation et un suivi sérieux pour s’assurer de leur motivation et augmenter leurs chances de réussite ainsi que le rayonnement de la ferme-école dans la communauté. La quête d’une reconnaissance officielle de la part des autorités peut aussi être un moyen de rendre ces écoles plus attractives.
Il est essentiel d’anticiper la question de l’accès à la terre dans ce type de projets. Les jeunes qui veulent rester au village ne doivent pas être des « paysan-ne-s sans terre ». Dans le cas de Kaydara, au Sénégal, le processus a évolué depuis 2007. Peu à peu, les maires de différentes communes ont compris l’intérêt d’ancrer l’agroécologie dans leurs terroirs. A titre d’exemples, le Conseil municipal de la commune de Tassette a octroyé 20 hectares (ha) de terres à vingt jeunes formés à Kaydara, et réservé 80 ha aux futurs candidats ; à Dioffior, ce sont 3 ha qui ont été prévus pour l’installation de 12 jeunes ; à Fimela, les autorités locales se sont investies dans les villages pour expliquer la démarche d’attribution d’un hectare de terre à chaque jeune candidat qui suivra la formation (soit, en l’état, 20 ha pour 20 jeunes).