Grâce aux terrasses, l’agriculture prend de la hauteur

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2 novembre 2016

Contexte
Dans le Nord-Est du Rwanda, le diocèse de Byumba compte 18 paroisses, où 20 % de la population est en situation de vulnérabilité.
Se présentant en « catalyseur de développement », la Caritas diocésaine de Byumba, appuyée par Caritas Genève/SeCoDév a lancé un projet pilote pour le renforcement de la souveraineté alimentaire des populations entre 2008 et 2011 (reconduit jusqu’en 2019). Implanté dans six paroisses, il est devenu emblématique par la construction et la stabilisation de terrasses radicales, technique d’origine sud-américaine encore peu répandue au Rwanda.
Le projet s’intègre pleinement aux politiques et stratégies nationales de développement.
Expérience de terrain
Les habitants du diocèse (comme ceux de tout le Rwanda) doivent faire face à :
— une forte densité de population ;
— un manque de terres cultivables ;
— une forte dégradation des sols entraînant leur faible fertilité ;
— un manque d’intrants agricoles ;
— l’impact négatif des facteurs climatiques tels que l’irrégularité des pluies.
Dans un pays où 91% de la population active s’inscrit dans le secteur primaire (agriculture et élevage), l’esprit d’entreprenariat et d’innovation dans le domaine agricole est peu répandu.
Pour répondre à ces défis, le projet promeut les terrasses radicales comme méthode culturale de référence. Le pays étant principalement constitué de collines, la construction de terrasses horizontales permet de faciliter l’exploitation des sols, de réduire les effets de l’érosion et du ruissellement et de retenir l’eau de pluie, d’où une résistance accrue à la saison sèche. Les terrasses sont soutenues par des pierres et stabilisées en bordure par des plantes fixatrices.
En plus de l’appui à l’acquisition d’intrants, les bénéficiaires ont surtout été formés en nouvelles techniques agroécologiques et à l’entreprenariat coopératif pour produire des denrées non seulement destinées à la consommation mais également à la commercialisation.

Enseignements
I. Points forts
— L’optimisation des terres cultivables : dans un contexte de pression foncière, les terrasses permettent une exploitation plus intensive des parcelles. Des terres appartenant aux paroisses, mal gérées ou inexploitées, ont aussi été mises à disposition.
— La protection de l’environnement : les techniques adoptées ont permis de réduire l’érosion et d’augmenter la fertilité des sols sans recours aux engrais chimiques. Des pépinières produisent des arbres et arbustes destinés aux populations.
— L’élevage comme élément complémentaire : des vaches et des porcs ont été distribués afin d’augmenter les revenus des familles et de permettre la production d’engrais organique.
— La méthode du « learning by doing » et la diffusion des méthodologies : les bénéficiaires qui apprennent en mettant en pratique une technique se l’approprient plus rapidement. Les personnes formées deviennent des ponts privilégiés de la vulgarisation agricole dans leur communauté. Le projet fait figure de modèle pour l’ensemble du pays : des ateliers de partage d’expérience et des formations y sont organisés.
— L’appui au travers d’associations : le renforcement de la cohésion sociale permet de prévenir les discriminations dans un pays qui a connu une crise majeure avec le Génocide de 1994. Des chaînes de solidarité pour la redistribution de bovins et caprins ont été mises en place pour appuyer cette démarche.
— L’augmentation significative des rendements agricoles : pour la pomme de terre, les rendements sont passés de 2 tonnes par hectare (ha) en 2008 à 8 tonnes en 2011 et à 15,5 tonnes en 2014 ; pour le petit pois, de 400 kg/ha en 2008 à 500 kg en 2011 et à 2,5 tonnes en 2014 grâce aux nouvelles méthodes agroécologique et à la plus grand disponibilité d’engrais organiques.
— Le renforcement organisationnel progressif : le projet met en place un accompagnement auprès d’organisations paysannes (OP) en vue de leur renforcement institutionnel et de leur autonomisation financière.
— La participation des femmes : les femmes représentent 60,5% des membres des OP participant au projet et 53% de leurs instances de décision. Cette donnée revêt une importance toute particulière dans un pays où, malgré des réformes foncières égalitaires, le droit des femmes à la terre peine à se traduire dans les faits. Ce projet leur permet donc d’accéder à une terre pour la production de denrées et d’augmenter leurs revenus.
II. Difficultés
— Le manque de financement : pour les habitants de ce diocèse, l’accès au crédit pour lancer des activités génératrices de revenus d’une certaine ampleur reste difficile.
— La fluctuation des prix sur le marché : les variations importantes des prix sur les marchés rendent difficiles les prévisions de rentabilité et la stabilisation des revenus des ménages.
— L’insuffisance des semences dans les instituts de recherche locaux : dans un pays où les sols sont très appauvris, il est nécessaire de pouvoir se fournir en semences adaptées à ces contraintes.
— La difficulté du suivi de l’impact du projet : alors que l’impact du projet sur les OP est facilement mesurable, il est plus difficile de récolter des informations sur ses résultats réels pour les ménages.
III. Pistes de réflexions et d’actions
Dans ses prochaines phases, le diocèse entend concentrer ses efforts sur :
— Le renforcement de ses capacités institutionnelles et de celles des associations/ coopératives en vue de leur autonomisation.
— L’organisation de la commercialisation : il entend ainsi entreprendre auprès des OP des formations spécifiques sur la gestion de la vente enrichies des expériences précédentes.
— Le suivi des ménages : des outils vont être élaborés et mis en place pour assurer un meilleur suivi de l’évolution du niveau de vie des ménages.
— La diffusion d’une méthode qui a prouvé son efficacité dans un pays où les terres se font rares et la pression démographique importante, et où la population dépend essentiellement du secteur primaire.